Rauschenberg se considère comme "du papier photosensible qui est seulement éclairé" et capte le monde. Ainsi, dans une profonde adhésion et une acceptation de tout, selon le "principe indifférence" qui définit le caractère "démocratique" de la photographie, ses "transferts" photographiques constituent les grandes fresques épiques du "contemporain". Les premières peintures de Rauschenberg étaient vides de toute image, comme point ultime de l'expressionnisme abstrait, qu'il a, rapidement, commencé à narguer, avec ses Combine, dans la tradition, transformée, de l'anti-art et de Dada : en ouvrant l'en soi de l'oeuvre d'art absolu à tout vent, aux restes disparates, hétérogènes et incongrus du quotidien. Là où l'absolu de la peinture moderne résultait de l'effet de "l'interdit des images" dû à l'invention de la photographie, "la reproduction technique élargie", depuis le développement de la télévision, a produit la prolifération des images : dans une relation de réciprocité tautologique entre "image" et "réalité" avec les images d'images de "l'art contemporain". Ainsi est-on passé des temps immémoriaux où il y avait "des images dans le monde" à l'aujourd'hui "d'un monde dans les images". C'est véritablement "d'en-dessous" de la peinture pure que les photographies ont fait leur apparition dans les "transferts" de Rauschenberg. On avait appelé la peinture "l'Image du monde" : c'était avant l'existence d'un monde constitué d'images de reproduction.
Rauschenberg : Le monde comme images de reproduction
Youssef Ishaghpour
Broché: 80 pages
Editeur : Editions Farrago (3 juin 2003)
Collection : FARRAGO
Langue : Français
ISBN-10: 2844901239
ISBN-13: 978-2844901231